Voici la retranscription d’un interview hallucinant de Mc Liam Wilson paru dans So Foot.
Pourquoi es-tu venu en France ?
Entre Belfast et Paris, le choix n’est pas difficile. Après le cessez-le-feu, Belfast s’est terriblement anglicisée. La ville ressemble de plus en plus aux Midlands ou au Nord de l’Angleterre…et le pire d’Albion, pas le meilleur : cette obsession vis-à-vis de l’argent, des bagnoles et du prix des baraques.
Toi qui préfères Liverpool, as-tu quand même été séduit par Cantona ?
Que dire ? Un peu d’attraction fasciste !? Mon jugement sur Cantona est aussi fasciste que lui, d’ailleurs ! Ce n’est pas une surprise qu’il ait joué pour les équipes que j’aime le moins en Angleterre : Leeds et Manchester united. Je n’ai jamais franchement apprécié la façon qu’il a de parler en se mettant au-dessus des gens. J’en connais beaucoup des gars comme lui, qui ont grandi à Belfast et c’étaient tous, sans exception, des trous du cul. C’est une évidence : celui qui se croit au dessus des autres a de fortes chances d’être une vraie tête de nœud. Maintenant, que les choses soient claires : je suis fan de Liverpool, il m’est donc impossible de supporter des joueurs de Man U. A part Beckham, Giggs et Scholes, parce qu’ils ont quelque chose de liverpuldien en eux. En fait, Manchester ne mérite pas de tels joueurs ! C’est la grande injustice de l’univers… Paul Scholes aurait dû appartenir au Liverpool des années 70, il est terriblement seventies : petit, laid, habile. Tout d’un joueur de Liverpool ça ! Depuis trois ans, être fan des Reds, c’est devenu comme une honte…c’est lamentable !
La faute à qui ?
Ben à l’espagnol là, Benitez, bouh !
Comment expliques-tu que les Reds aient pu avoir de si grandes équipes par le passé ?
Parce que les entraîneurs étaient écossais ! Les équipes de Liverpool coachées par des Ecossais ont toujours été grandioses. Shankly, Paisley, ces mecs étaient des durs. Kenny Dalglish aussi. Ils savaient faire bosser les joueurs, les tenir.
Liverpool était la plus grande équipe des années 70 puisque Dieu lui-même a regardé en bas et a souri au monde. Aussi simple que ça.
Et le foot en Irlande, alors ?
Le football irlandais est ethniquement divisé depuis toujours avec les protestants et les catholiques qui se mettent sur la tronche ! C’est tellement de la merde que personne ne regarde, sauf les tarés qui veulent en découdre. Ceci pour les clubs.
C’est pour ça qu’on supporte des clubs comme Liverpool. Pour suivre des joueurs qu’on aime. Les cons sont très faciles à reconnaître, ils supportent les Rangers ou le Celtic ! L’éternel et stupide antagonisme catholiques/protestants. Et chaque week-end, ils vont en bateau supporter leurs équipes respectives. Des traversées régulières d’idiots entre l’Irlande et l’Ecosse… Mais attention sur deux bateaux différents…

Qui est Mc Liam Wilson?
Né en 1964 dans un quartier ouvrier et catholique de Belfast, Robert McLiam Wilson s'est expatrié à Londres, où il a eu de la peine à s'adapter avant d'obtenir une bourse d'études à Cambridge. A 24 ans, il a signé un premier roman, Ripley Bogle, couronné par plusieurs prix en Grande-Bretagne.
Ce qui frappe chez lui, c'est son humour dévastateur, son sens cinématographique du cadrage, et sa parenté évidente avec Dickens: il s'inscrit dans la grande tradition de la littérature urbaine, un genre qu'il a su renouveler en le frottant aux réalités d'aujourd'hui. Des réalités à la fois politiques et sociales: les luttes de classes, la nouvelle pauvreté, les dérives liées aux grandes cités, la solitude des marginaux, telles sont les obsessions qui irriguent les trois romans de cet auteur particulièrement inventif. Le premier, Ripley Bogle, met en scène un Candide clochardisé qui erre entre l'Irlande et l'Angleterre des homeless. Le deuxième, La douleur de Manfred, est écrit sur le fil du rasoir: dans un parc londonien, un homme et une femme se retrouvent régulièrement pour régler de vieux comptes, et leur face-à-face est une «fin de partie» bouleversante sur laquelle plane l'ombre de Beckett. Quant à Eureka Street, c'est une peinture à l'acide de Belfast, ville déchirée par la guerre civile, la misère et le terrorisme. McLiam Wilson: un familier des enfers, qui chasse sur les terres les plus sombres de la condition humaine.
Son plus célèbre livre est " Les dépossédés ". Ce livre confirme l’intérêt de l’auteur pour l’univers urbain et ses exclus. Paru en Angleterre en 1992, ce livre, mêlant textes et photos, relate le reportage que Wilson a effectué au début des années 90 dans les quartiers pauvres de trois grandes cités du Royaume-Uni : Londres, Glasgow et Belfast.
Plusieurs mois durant, l’auteur, accompagné du photographe Donovan Wylie, est allé à la rencontre des plus pauvres. Son objectif ? Porter une plainte à l’attention du public ; rappeler, alors même qu’elle devient une notion contestée, que la pauvreté s’aggrave et, contrairement aux idées reçues, qu’elle s’est considérablement développée lorsque Margaret Thatcher était au pouvoir : le revenu des classes les plus pauvres a chuté de 5,7% au terme de ses législatures. Le livre est une plongée en apnée, une odyssée éprouvante dont le lecteur, et surtout l’auteur, ne sort pas totalement indemne. Ce contact constant avec une multiplicité de situations critiques et de récits atterrants me laminait, affirme Wilson. Et pour cause. Les personnages dont il relate l’existence évoquent à peu de choses près l’Angleterre du XIXe siècle, telle que Charles Dickens la décrivait dans Temps difficiles. De fait, les temps sont durs pour les êtres dont nous faisons la connaissance.
Vous pouvez aussi le voir en video sur le site d'Arte:
Cliquez ici ! Vous pouvez aussi aller sur son blog
Cliquez ici !