Abdel Raouf Dafri, nouveau "prophète" du scénario

Après avoir imaginé la série La Commune sur Canal +, écrit les deux volets de Mesrine pour Jean-François Richet, ce jeune scénariste a inspiré "Un Prophète", le nouveau film de Jacques Audiard.
Après avoir essayé de percer en tant qu'animateur à Paris, mais dégoûté par le milieu, Dafri décide de perfectionner son travail d'écriture et envoie un synopsis à TF1 pour la série Commissaire Moulin, fin 92. On l'encourage, il persévère. En quelques mois, Dafri le Lillois se fait un nom à Paris. Le bonhomme aiguise sa plume, attend son heure dans l'ombre des plateaux de tournage et délivre son premier travail d'envergure à la fin des années 90 : La Commune. Une mini-série sur les dessous tristes et violents d'une cité française : c’est Boys in the Hood à Aulnay sous-bois…


Une première qui fait tressaillir un PAF avachi sur ses certitudes. « Ce projet, c'est ma vérité brute explique Dafri, une histoire de mecs de quartiers complètement paumés, une histoire qui est une réalité et que l'on se doit de raconter ! Qu'on arrête de se voiler la face une bonne fois pour toute en se contentant de Mimi Mathy et Julie Lescaut ! ». Loin d'être politiquement correcte, la série n'est pas renouvelée mais la machine est définitivement lancée : pour le genre brut-de-pomme-de-décoffrage , sonnez chez Dafri.
L'homme est sûr de lui et refuse les projets qui sentent bon la vie des gens heureux. De quoi rendre logique sa rencontre avec Jean-François Richet, le réalisateur du polémique Ma 6-t va cracker. L'amitié qui lie les deux hommes date du milieu des années 90 et culmine avec le développement d'un des derniers projets phares du cinéma français : la saga Mesrine. Dafri l'écrit, Richet la réalise. « Ce genre de film correspond parfaitement à ce que je recherche indique Dafri, il faut raconter un gangster, expliquer ce qui constitue sa personnalité, raconter la genèse de sa vie ».

Avec Mesrine, Dafri poursuit sa quête : redonner aux malfrats la place qu'ils méritent dans la fiction française. « Les Américains ont toujours su faire ce genre de films, regardez Le Parrain, Les Affranchis ou les films de Sidney Lumet. Nous en France, depuis Le Clan des Siciliens, c'est clair, il n'y a plus de films de genre » peste Dafri. Dans Mesrine comme dans La Commune, il est donc question de gangsters, de flingues, de fusillades et de vengeances. De quoi divertir mais aussi donner à réfléchir pour le scénariste : « Avec La Commune, je donnais un aperçu de la vie ordinaire d'une cité. Avec Mesrine on revient sur un personnage fascinant, mais qui porte avant tout un message. C'est essentiel ».



Etrange propos pour un type qui n'a de cesse de répéter son attachement pour le divertissement sur grand écran. Et qui raille maladroitement « cette branlette française qui propose un cinéma où il ne se passe rien, où l'on gagne le coeur des critiques sans remplir les salles ». En réalité, Dafri est un être hybride, aussi attaché à l'entertainment qu'au message politique. Un combo que l'on retrouve une fois de plus dans le dernier projet sur lequel il a bossé, Un Prophète. Quinze ans après son premier passage à Cannes en tant qu'animateur télé ringard, Dafri retrouvait, avec le long-métrage de Jacques Audiard, le tapis rouge du festival. De quoi boucler la boucle.

L'article est tiré du journal Lesinrocks.